La musique électronique des années 1950
 
La décennie des années 50' est marquée plus par la multiplication des studios et laboratoires de recherche que de genres de musiques électroniques. D'ailleurs, même si on utilise différents termes selon l'origine géographique des musiques comme la musique électroacoustique, la musique concrète en France ou l'Elektrosche Muzik en Allemagne ou la Tape Music aux Etats-Unis, on ne peut guère faire de différence flagrante. 
"Le support de la bande magnétique constitue alors le seul et unique moyen d’enregistrer et de monter tous types de sons, qu’ils soient produits par le biais de l’électronique, captés sur les ondes radio, enregistrés en studio ou en extérieur. Les magnétophones offrent de nouvelles possibilités de traitement du son (écho, delay, phasing), grâce à leurs multiples têtes de lecture, leur vitesse modifiable, ainsi que la possibilité de les connecter entre eux".© Leonardo/Olats & Jean-Yves Leloup

Groupe de Recherches de Musique Concrète (GRMC)
Studio für Elektronische Musik
Studio de Louis et Bebe Barron
Columbia Princeton Electronic Music Center (CPEMC)
Studio privé Gravesano de Hermann Scherchen
Studio Di  Fonologia
Studio Radio de la Nippon Hoso Kyokai (NHK)
Hugh Lecaine 


1951 : en France, le Groupe de Recherches de Musique Concrète (GRMC), fait suite au Club d'Essai de la RTF et qui deviendra en 1958 le GRM (Groupe de Recherches Musicales) au sein desquels évoluent Pierre Shaeffer, Pierre Henry, Luc Ferrari, Ivo Malec, Bernard Parmegiani, Beatriz Ferreyra, Guy Reibel pour les plus connus. La nouveauté la plus importante était l’utilisation de l’enregistreur à bande comme outil principal à la place de l’enregistreur sur disque. Un des enregistreurs à bande disponible permettait de reproduire cinq pistes sonores à la fois ce qui ouvrit la porte à la distribution des canaux audio sur un ensemble de plusieurs haut-parleurs. Trois magnétophones particuliers furent également introduits dans le nouveau studio : le Morphophone (réverbération basée sur 19 des échos du son original), deux types de Phonogènes qui étaient conçus pour jouer des bandes en boucle à différentes vitesses (le premier type permettait un contrôle continu de la vitesse, le deuxième était associé à un clavier et effectuait des transpositions de hauteurs fixes en variant la vitesse). De ce studio naquit la musique électroacoustique dite, musique concrète. Sébastien Gulluni


1953 "Orphée" d'après Schaeffer et Henry - Production GRMC
Dans cette composition Schaeffer crée deux types de partitions : la partition opératoire décrivant les procédures techniques et la partition d’effet pour le développement des idées musicales sur des portées parallèles associées à chacun des éléments concrets. 
Sébastien Gulluni


1955 "Symphonie pour un homme" seul  de Pierre Henry et Pierre Schaeffer - Production du GRMC
Ballet de Maurice Béjart

 

1951 : le Studio für Elektronische Musik, à Cologne, en Allemagne, est hébergé au sein de la radio ouest-allemande WDR. Le studio était constitué d’un générateur sinusoïdal, un générateur de bruit blanc, un Monochord électronique et un Melochord. Contrairement à la musique concrète qui utilise des sources sonores enregistrées principalement acoustiques comme matériel de base, l’Elektronische Musik s'appuie sur des procédés électroniques. De nombreux compositeurs liés au studio sont issus de l'Ecole de Vienne, berceau de la musique sérielle, d'où un style très opposé à celui de la musique concrète.  Sébastien Gulluni


1952 "Klangstudie II" d'Herbert Eimert - Production du Studio Elektronische Musik de Cologne


1953 "Studie 1" de Karlheinz Stockhausen - Production du Studio Elektronische Musik de Cologne
Les premières pièces de Karlheinz Stockhausen composées au studio de Cologne, Studie I en 1953 et Studie II en 1954, furent créées uniquement à partir du générateur de sinusoïdes. Ces deux pièces illustrent bien la notion de “mixture de notes” qui désigne la combinaison de sinusoïdes dont les fréquences ne sont pas en rapport harmonique. Cette notion permet de distinguer les spectres harmoniques des spectres inharmoniques. Sébastien Gulluni


1955 : « Gesang der Jünglinge » de Karlheinz Stockhausen

Rapidement, Stockhausen se retira du studio de Cologne préférant suivre une autre voix. Dans "Gesang der Jüngline" il combine les voix avec les recherches électroniques.

 

1951 : Studio privé de Louis et Bebe Barron, à New York. Ce studio accueillera le Project of Music for Magnetic Tape de John Cage, David Tudor, Earle Brown, Morton Feldman et Christian Wolf en 1952.


1952 / 53 "William Mix" de John Cage - Production du studio de Louis et Bebbe Barron
Pour cette composition, Louis et Bebbe Barron ont enregistré et travaillé sur bande plus de 600 sons. Par sa réputation, John Cage donne sa notoriété au  studio de Bebbe et Louis Barron. 


1956 "Main Titles Overture"  de Louis et Bebbe Barron (Forbidden Planet)
Après avoir composé la première musique pour bande magnétique en Amérique "Heavenly Menagerie" en 1950, 
Louis et Bebe Barron écrivent la première bande musicale entièrement électronique du film "Forbidden Planet" pour la MGM en 1956.

 

1952 : le Columbia Princeton Electronic Music Center (CPEMC) est fondé par  Otto Luening, Vladimir Ussachevsky dans leur appartement avec pour tout matériel un unique magnétophone. C'est en 1959 que le studio est inauguré au sein de l'université de Columbia, aux Etats-Unis avec quelques subsides supplémentaires qui leur permettront d'acquérir les premiers synthétiseurs RCA. Ce studio est à l'origine de la création d'autres studios dans les universités américaines.


1952 "Tape Music An Historic Concert" Vladimir Ussachevsky - Otto Luening
Aux Etats-Unis, le 28 Octobre 1952, Vladimir Ussachevsky et le compositeur Otto Luening présentent le premier concert public de Tape music aux Etats-Unis au Musée d'art moderne de New-York. Le programme inclut les titres "Sonic Contours"d'Ussachevsky, "Low Speed", "Invention" et "Fantasy in Space" de Luening. 


1956 "Piece for tape recorder" de Vladimir Ussachevsky - Production CPEMC

1959 "Concerted Piece" d'Otto Luening et Vladimir Ussachevsky

 

1954 : Studio privé Gravesano de Hermann Scherchen Suisse. Herman Schrechenen était un compositeur et chef d'orchestre. Spécialiste de la "nouvelle musique", il a dirigé de nombreuses premières, y compris les œuvres d'Arnold Schoenberg, Alban Berg, Anton Webern, Paul Hindemith, Ernst Krenek, Richard Strauss, Karl Amadeus Hertmann, Edgar Varèse, Luigi Nono, Luigi Dallapiccola, Paul Dessau, Boris Blacher, Hans Werner Henze, Alois Haba, Albert Roussel, Claude Balif, Karlheinz Stockhausen et Ianis Xenakis.  En 1954, Schrechenen crée son studio dans sa maison de Gravesano avec le soutien de l'UNESCO afin d'y mener ses recherches dans le domaine de l'électro-acoustique. Plusieurs compositeurs viennent y travailler, tels que Vladimir Ussachevski, Luc Ferrari, François-Bernard Mâche et Iannis Xenakis. 


1956 "Pithoprakta" de Iannis Xenakis - Production Hermann Scherchen 
Pithoprakta (1956) est une œuvre de Iannis Xenakis pour 46 instruments à cordes, deux trombones, xylophone, et woodblock. Créée par le chef Hermann Scherchen à Munich sur Mars 1957, la pièce a été faite dans un ballet de George Balanchine, Metastaseis et Pithoprakta. 


1962 "Anwendung Elektronischer Musik" d'Oskar Sala - Production Hermann Scherchen Gravesano

1955 : le Studio Di  Fonologia est fondé par les compositeurs Luciano Berio et Bruno Maderna à Milan,  par la Radio Télévision Nationale Italienne (RAI). Cette école dépasse les choix de l'Elektrosche Musik et de la Musique Concrète en faisant coexister ensemble les sons naturels et les sons purement électroniques jouant des uns par les autres. L’équipement matériel du studio de Milan était composé de neuf générateurs d’ondes sinusoïdales, un générateur de bruit blanc, un générateur d’impulsions, une version modifiée d’Ondes Martenot et un ensemble de magnétophones mono, stéréo et quatre pistes. La présence des neufs générateurs d’ondes sinusoïdales était un avantage certain pour les compositeurs par rapport au studio de Cologne car cela permettait d’ajuster certaines combinaisons et paramètres en temps réel. Sébastien Gulluni


1957 "Syntaxis" de Bruno Maderna - Production Studio Di  Fonologia


1958 "Omaggio a Joyce" de Luciano Berio  - Studio Di  Fonologia


1959 "Differences" de Luciano Berio - Studio Di  Fonologia
Dans Différences, Berio montre comment des sons naturels peuvent être développés par l’utilisation de traitements sonores. Cette pièce est un quintet pour flûte, clarinette, harpe, alto et violoncelle auxquels s’ajoute une partie sur bande magnétique qui reprend des enregistrements des instruments en les modifiant par des procédés électroniques. La partie électronique sur bande est utilisée comme un moyen de développement des sonorités après une exposition réalisée par les instruments seuls. On peut remarquer que la parole devient une source sonore très utilisée par les compositeurs de Milan. Sébastien Gulluni

1955 : Studio Radio de la Nippon Hoso Kyokai (NHK) avec Toshiro Mayuzumi (Shusaku I 1955), Makoto Moroï. NHK - Radio Nippon Horo Kyokai à Tokyo en 1955 où sont créées des œuvres très "mathématiques", sur bandes magnétiques, avec notamment des influences du langage musical traditionnel japonais : Toru Takemitsu (water music), Joji Yuasa, Suzuki Hiroyoshi, Kasuo Fukushima : ils forment d'ailleurs le "Jikken Kobo"(atelier expérimental multidisciplinaire), Shinishi Matsushita, Toshiro Mayuzumi, Makoto Moroï, Toschi Ichiyanagi  © sonhors


1960 - "Water Music" de Toru Takemitsu


1961 -  "Aoi-no-Ue" de Joji Yuasa - Production studio de la NHK

1955 : Hugh Lecaine a conçu, durant une trentaine d'années, plus de vingt instruments électroniques - dont la Saqueboute électronique dans les années 40 -  qui n'ont eu aucun succès commercial mais ont permis des avancées notoires pour d'autres instruments, notamment le synthétiseur Moog. 


1955 "Dripsody" de Hugh Lecaine
Ce morceau de musique concrète est l'un des plus célèbres. Il a été composé à partir du son d'une seule goutte d'eau. 




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